L’authenticité, qu’est-ce que c’est ?

Que de mal on se donne avant de prendre son originalité chez soi, tout simplement. »

Notes sur le métier d’écrire, Jules Romain 
©Aurélie Valat

Du grec ancien authentikós : “se détermine par sa propre autorité”. 

Qui au-delà des apparences, exprime, manifeste, reflète, une vérité profonde de l’individu et non des habitudes superficielles, des conventions.

Qui est de façon certaine l’œuvre de telle personne (auteur, artiste) : non altéré, pur.

Son être le plus vrai, sa personnalité la plus profonde.

Être authentique, c’est donner de la profondeur à ce que l’on fait.

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A.

Atelier de réparation

L’Atelier Contemporain – Fancis Ponge

©Aurélie Valat

« Tandis qu’en ceux que nous évoquions tout à l’heure
s’observait une animation méthodique, des plus régulièrement répartie,
comme si (chaque cellule tournant certes très vite, à la façon d’une turbine ou d’un moteur) l’ensemble (y compris les hommes employés à l’intérieur) donnait l’idée mettons d’une grande plaie où brûlure superficielle en train merveilleusement de se cicatriser (ainsi quelque centrale électrique ou atelier de métallurgie), c’est tout autre chose qu’évoque, dans ceux dont nous parlons maintenant,
l’activité spasmodique, parfois accélérée, souvent ralentie,
le comportement et la figure même de l’être que nous y observons.
Voyez ces yeux, leur expression muette, ces gestes lents
et ces précautions ; et cet empêtrement ; et parfois même, cette immobilité pathétique des nymphes.
Ah ! pour nous expliquer au plus vite, disons qu’il s’agit ici,
sur le corps de certains bâtiments, comme parfois sur la branche d’un arbre ou sur la feuille du mûrier, d’une sorte de nid d’insectes, – d’une sorte de cocons.
Et donc, bien sûr encore, d’un local ou d’un bocal organique, mais construit par l’individu lui-même pour s’y enclore longuement,
sans cesser d’y bénéficier pour autant, par transparence,
de la lumière du jour.
Et à quelle activité s’y livre-t-il donc ?
Eh bien, tout simplement (et tout tragiquement), à sa métamorphose. »

R.

Regard Crétois

Nikos Kazantzakis – Lettre au Greco, extraits

Fresque du Jeu du Taureau, Musée Archéologique d’Héraklion

Je regardais les courses de taureaux peintes sur les murs, la grâce et la souplesse de la femme, la force infaillible de l’homme, et de quel œil intrépide ils affrontaient le taureau déchaîné et jouaient avec lui.  Ils ne le tuaient pas par amour comme cela se faisait dans les religions orientales, pour se mêler à lui, ni parce que la terreur s’emparait d’eux et qu’ils ne supportaient plus de le voir ; ils jouaient avec lui avec respect, avec entêtement, sans haine. Peut-être même avec reconnaissance : parce que cette lutte sacrée avec le taureau aiguisait les forces du Crétois, cultivait la souplesse et la grâce de son corps, la précision ardente et lucide de ses gestes, l’obéissance de sa volonté et la vaillance, si difficile à acquérir, qu’il faut pour affronter sans être envahi par l’épouvante la puissance effrayante de la bête. C’est ainsi que les Crétois ont transposé l’épouvante et en ont fait un jeu sublime, où la vertu de l’homme au contact direct de la toute-puissance absurde, se tendait et triomphait. Elle triomphait sans anéantir le taureau parce qu’elle ne le considérait pas comme un ennemi mais comme un collaborateur, sans lui le corps ne serait pas devenu si souple, si puissant, ni l’âme si vaillante. 
Il faut sûrement, pour avoir la force de soutenir la vue de la bête et de jouer un jeu si dangereux, un grand entraînement physique et spirituel ; mais une fois que l’on a acquis cet entraînement et que l’on est entré dans le climat du jeu, chacun de vos gestes devient simple, ferme, détendu, et votre œil contemple sans épouvante l’épouvante. 

L’Acrobate, Musée Archéologique d’Héraklion